Mazeppa Bay 2023
Pour tout amateur de surfcasting extrême, l’AFS offre sans aucun doute le plus large éventail de possibilités de se confronter à des poissons hors normes, tant le littoral est immense avec près de 3000 km de plages et côtes rocheuses. Dans l’Est du pays baigné par les eaux tempérées de l’océan Indien existe un endroit dans le Transkei (Province de l’Eastern Cape) où la taille des requins accessibles du bord peut être démesurée : Mazeppa Bay. C’est une baie immense soumise à l’influence du puissant courant chaud des Aiguilles, Agulhas current, provenant majoritairement du canal du Mozambique. Lors de l’hiver austral se produit depuis la nuit des temps un évènement majeur du règne animal : le sardine run. Ce n’est ni plus ni moins qu’une migration saisonnière de plusieurs milliards de sardines quittant les eaux froides de l’Atlantique pour se rassembler et se reproduire dans les eaux plus chaudes du banc des Aiguilles au large de l’Eastern Cape à partir du mois de mai. Cette migration se poursuit en général jusque vers Durban dans le Kwazulu-Natal durant les mois de juin et juillet. Ces bancs absolument gigantesques peuvent mesurer plusieurs kilomètres de long et jusqu’à trois kilomètres de large ! Les sardines entraînent dans leur sillage toute une horde de prédateurs parmi lesquels d’innombrables requins mais pas seulement. Bien d’autres espèces, dites « edibles » pour comestibles, telles que le maigre (kob), la liche amie (garrick), le tassergal (shad) ou encore la sériole à queue jaune (yellowtail), les thons etc. sont également du voyage profitant de l’aubaine. Pour peu que les sardines passent tout près à portée de lancer et c’est la promesse de passer des moments inoubliables !
Habitué à pêcher dans la région de Port Elizabeth/Jeffreys Bay avec Duvan, il m’avait proposé de découvrir le Transkei persuadé que j’allais adorer ce coin : « You gna love Mazeppa David ». Qu’à cela ne tienne, je m’envole donc en compagnie d’un deuxième David depuis La Réunion pour Johannesburg puis nous rejoignons East London dans la foulée par un vol intérieur. Duvan est là, son pick-up plein à craquer avec à bord toute la logistique pour une semaine en autosuffisance. Nous sommes prêts pour rejoindre Mazeppa bay par la route ! Il annonce trois heures et demie de route dont la moitié de piste dégradée par les récentes pluies … Nous passons le trajet à parler du programme à venir et à nous remémorer notre récent voyage au Gabon en mars dernier. Rêve de gosse réalisé pour Duvan avec un tarpon colossal de + 90 kg au lancer, carpes rouges de +15 kg et requin bouledogue pour moi, quels souvenirs !
Lorsque nous sommes arrivés mi-juin une première vague de sardines était déjà passée et la vie s’était concentrée plus au nord du pays, jusqu’à Durban. Nous pouvions néanmoins apercevoir quotidiennement des explosions de vie à plusieurs centaines de mètres du rivage. Baleines, dauphins, oiseaux marins, requins, thons jaunes et bonites s’en donnaient à coeur joie, décimant méthodiquement chaque regroupement de sardines jusqu’au dernier individu.
La pêche du coup a été plus compliquée que prévu mais surtout pour les « non edibles » (raies/requins) car nous avons eu la chance d’avoir des passages de kobs et de liches tout près du bord et connu de fait des instants magiques ! Comme dans bien des endroits lorsque la frénésie démarre il faut être prêt à dégainer car cela ne dure guère plus d’une heure tout au plus ! C’est pour cela que chacun d’entre nous avait toujours sur lui trois leurres prêts à pêcher : une tête plombée habillée d’un shad, une cuiller ondulante et un plug de surface type GT’s Ice cream dont raffolent les liches (certains jours…). A ce petit jeu, les sudafs nous ont flanqué une belle leçon de réalisme ! Ainsi Duvan et Ajacks, le natif de la région, ont réalisé des doublés pendant que nous « galérions » à obtenir nos premières tapes. Cela dit on apprend vite et nous avons fini par prendre des liches mais aussi, enfin, des kobs au leurre souple. Cela faisait quelques années que je subissais échec sur échec enchaînant les décrochages et j’étais le seul de la bande d’amis à n’avoir encore jamais pris un kob au lancer…
Ce qui me frappe toujours avec Duvan c’est sa motivation sans faille. Et il sait s’y prendre pour motiver ses troupes ! Moyennant quoi lorsqu’après une journée de douze heures il vous dit (une fois douché et réchauffé paré pour l’apéro) : « kob time guys », qu’il fait 12 degrés dehors et que ceux qui le veulent peuvent le suivre car les kobs vont manger seulement pendant une heure ce soir, et bien comment dire ? On enfile un anorak, chausse les chaussures anti-dérapantes, on se plaque un bonnet bien chaud sur la tête et c’est parti pour une heure de lancer ! La mise en route est un peu délicate, le temps que les yeux s’habituent à l’obscurité. Ensuite il faut être méthodique, commencer par faire quelques lancers de distance croissante afin de repérer les rochers sur le trajet en sentant le leurre taper dessus (montage Texan obligatoire), compter les tours de manivelle. Et puis on prend les premières claques et ensuite les premiers poissons. Les kobs de Mazeppa ne sont en général pas des gros individus, entre 2 et 10 kg, mais ils sont nombreux et arrivent par vagues. Sur un lancer léger, un moulinet 3500 et une tresse de 15 lbs on s’amuse beaucoup.
Revenons aux squales puisque ce fût au départ l’objet du séjour. Habituellement lors d’un séjour à Mazeppa il est classique d’avoir 5/6 touches par jour, ce qui permet à Duvan d’amener sans souci trois clients en même temps. Chacun a son lot de combats épiques et de souvenirs. Durant notre séjour les squales étaient cantonnés plus au large, difficiles d’accès même en utilisant des cerfs-volants pour déposer les appâts plus loin. La houle résiduelle d’une tempête plus au sud ne nous a pas non plus facilité la tâche, surtout pour échouer les poissons dans les piscines naturelles. Nous avons perdu de beaux spécimens tout près du bord, dont un requin tisserand et un requin bordé de plus de 130 kg. Le premier jour, un gros départ sur les coups de 16h30 nous a fait sursauter. Duvan annonce instantanément « big shark ». En effet en règle générale plus ils sont gros et plus lent est le démarrage. Les petits spécimens de moins de 150 kg démarrent en général comme des bolides. Je mets la ceinture de combat, on me clip les sangles du harnais au moulinet pendant que le poisson continue sa route vers le large à vitesse constante, comme si de rien n’était… On monte le frein et désormais il y a 600 mètres de tresse dehors, les choses se compliquent. On resserre le frein tellement que les copains sont obligés de me tenir par la sangle de la ceinture pour que je ne bascule pas en avant. C’est un énorme requin qui n’a tout simplement pas senti le frein… Duvan me demande alors de secouer vigoureusement la canne pour réveiller le poisson. L’effet est immédiat ! Le léviathan démarre au quart de tour. On me retient de chuter et après un rush inouï d’encore 100 m plus rien. Plus aucune tension dans la ligne. Cassé ? Non, tout simplement décroché. Nous rembinons durant d’interminables minutes pour constater que l’appât est encore tout frais et garde les stigmates de son passage entre les dents du monstre. Probablement un tigre ou un bouledogue voire un requin sombre. L’année dernière au même endroit un client de Duvan capturait et relâchait un énorme requin tigre de plus de 400 kg et 48 heures plus tard ils échouaient un autre spécimen de plus de 300 kg … Habituellement ce sont des requins sombres de plus de 200 kg qui sont ciblés à Mazeppa. Ils ont fait la réputation de l’endroit et pas plus tard que quinze jours avant notre venue deux « dusky » de plus de 250 kilos étaient capturés. Mais bien entendu, dans ces eaux tempérées tout est possible. Du requin sombre en passant par le bouledogue, le requin mako ou encore le grand requin marteau. Tous sont ici capturés et relâchés chaque année.
Un matin en pleine « kob cession » une des trois cannes à monstres plie de façon magistrale. Les amis me font des grands signes, je dépose mon lancer et entame un sprint sur les rochers, puis gravis la petite colline où sont positionnées les cannes. Le combat peut commencer. C’est lourd, véloce, puissant. Un travail d’équipe est nécessaire pour échouer le poisson une heure plus tard dans « the garage » qui est une piscine naturelle permettant de mettre au sec les poissons en toute sécurité sans les blesser. C’est une grosse femelle requin cuivre estimée à 170/180 kg. Elle porte sur son corps des cicatrices typiques infligées par ses partenaires lors de l’accouplement. Magnifique animal que l’on relâche rapidement et qui reste dans cette piscine quelques minutes le temps de récupérer avant de regagner le large. Agit-elle d’instinct ou bien sait ‘elle qu’en regagnant le large trop rapidement elle court un danger ? Des requins de cette taille sont ramenés chaque année à moitié dévorés par des congénères bien plus gros !
Côté pratique et organisation : Duvan récupère les clients en général à East London, mais le trajet peut également se faire depuis Port Elizabeth. L’hébergement se fait dans une maison de pêcheur tout confort face à la mer. Un portillon dans le jardin donne accès directement à la plage. Les lieux de pêche sont à 10 mns à pied. Le soir, un braie (barbecue) est allumé dans le jardin. C’est l’occasion de se réchauffer tout en buvant un verre et en faisant cuire quelques pièces de viande. Les cuisiniers amateurs et confirmés sont bienvenus ! Chacun pourra découvrir la recette du poisson pané « à la Duvan ». Il faudra pour cela prendre un kob de taille légale, soit 50 cm, ou alors capturer le repas en rock fishing : musselcrackers et autres sparidés endémiques longent les rebords rocheux par mer agitée, parfois dans très peu d’eau, à la recherche de mollusques et crustacés.
Tout le matériel est fourni mais si on désire néanmoins amener quelque chose autant que ce soit son lancer. Dans ce cas, celui-ci doit avoir une longueur d’au moins 2.90 m, une puissance de 20-80 grs convient à toutes les situations. La tresse ne doit jamais dépasser PE 2 sinon ce sera au détriment de la distance qui est bien souvent la clé de la réussite. Les leurres sont également fournis. Inutile d’apporter du matériel pour les monstres, il ne serait pas adapté.